La plupart des parcs urbains offrent des bancs, des arbres, et parfois une aire de jeux. Le parc Tesasini vous offre un élément rare : du temps. Aménagé le long de la rivière des Outaouais, dans le quartier Zibi, Tesasini (qui signifie « pierre plate » en algonquin) est bien plus qu’un simple espace vert. Il est un calendrier vivant, qui témoigne des principes et de la résilience des Algonquins, ainsi que de leur relation avec la terre et l’eau.
Chez les peuples autochtones, le temps est mesuré selon les cycles de la nature. Le calendrier de 13 lunes régit l’année, et chaque lune est liée à des événements qui se produisent sur la terre : la lune de la bernache annonce la migration, la lune des fraises célèbre le renouvellement, et la lune des feuilles marque le repos de la forêt. Ces lunes ne sont pas abstraites. Elles indiquent quand chasser, récolter, planter et organiser des cérémonies. Ce calendrier est pratique, mais aussi profondément spirituel, car il instaure les valeurs de patience, de réciprocité et de responsabilité dans le cours de la vie.
Le calendrier lunaire algonquin est souvent expliqué au moyen du dos de la tortue. Sur une carapace de tortue, il y a 13 grandes plaques, qui reflètent les 13 lunes d’une année. Autour d’elles se trouvent 28 plaques plus petites, qui représentent les jours de chaque cycle lunaire. Ce motif naturel est bien plus qu’une coïncidence. Il rappelle que la mesure du temps est inscrite dans la création elle-même. Le dos de la tortue est un calendrier vivant, qui montre que la vie humaine, le mouvement de la lune, et le monde naturel sont tous liés par les mêmes rythmes.
Le parc Tesasini transpose cette vision du monde dans un contexte urbain. Il a été conçu de manière à former un ensemble lunaire de bancs en forme de carapace de tortue, symbole de la création et du temps. Les 13 grandes sections représentent les lunes de l’année, et les 28 sections extérieures plus petites marquent les jours de chaque mois lunaire. Des sculptures sur pierre, réalisées par l’artiste Solomon King, membre de la Chippewas of Nawash Unceded First Nation, donnent vie à chaque lune et intègrent les principes dans le paysage même.
Cependant, le parc Tesasini n’est pas seulement une expression culturelle. Sa conception simple est également un moyen de relever les défis climatiques qui touchent la rivière des Outaouais. Après les inondations majeures de 2017 et 2019, le parc a été conçu pour s’adapter au terrain plutôt que de le combattre. Le substrat rocheux exposé, les barrières en enrochement, et les chemins pavés créent un littoral capable de résister à la montée des eaux. Les plantes stabilisent le sol, et le parc sert également de zone de protection pendant les saisons des inondations.
Ainsi, Tesasini combine les connaissances autochtones à la planification contemporaine de la résilience. Les formations rocheuses, l’ensemble lunaire de bancs, et la restauration du rivage ont deux objectifs : honorer la culture et protéger la communauté.
Les parcs urbains sont souvent conçus à des fins récréatives ou esthétiques. Le parc Tesasini en fait bien plus : il intègre les connaissances algonquines directement dans le paysage urbain. Il rappelle aux résidents que le temps ne se résume pas aux échéances et aux trajets quotidiens. Il est lié aux cycles des oies, des baies, des feuilles, et de l’eau, les mêmes cycles qui ont façonné cette terre bien avant la construction des réseaux urbains.
Le parc Tesasini est plus qu’un parc. Il est à la fois un symbole culturel, une protection contre les inondations, et un calendrier vivant. Il montre comment les connaissances autochtones peuvent guider non seulement la façon dont nous comprenons l’histoire, mais aussi la façon dont nous préparons l’avenir de nos villes.
Zibi continue d’être reconnaissant de notre relation continue avec la nation algonquine alors que nous parcourons ensemble le chemin de la vérité et de la réconciliation. Nous remercions le Conseil Memengweshii pour ses contributions inspirées à cet espace. Mìgwetch !
